Lors de ce conseil communautaire, une délibération évoquait à nouveau le transfert (une première fois annulé par le tribunal administratif) de la résidence universitaire d'Antony à la communauté d'agglomération.
Jean François Homassel, notre représentant à lacommunnauté d'agglomération est intervenu (ainsi que Daniel Le Bris du PCF et Daniel Giromella du PS). Voici le texte de son intervention :
Monsieur le Président,
Monsieur le Député-Maire
Mes chers Collègues
Mesdames et messieurs
Je suis fier et heureux que cette délibération que vous avez présenté soit à nouveau à l’ordre du jour.
Fier et heureux parce que c’est d’abord une victoire de notre part.
C’est la victoire du pot de terre contre le pot de fer. Quatre contribuables de Hauts de Bièvre, dont trois élus municipaux d’Antony et le président de Citoyens à Antony, une petite association ont gagné contre un président de la communauté d’agglomération encore ministre ;
En décembre 2004, le Président de la communauté d’agglomération, Patrick Devedjian avait souhaité que la communauté d’agglomération des Hauts de Bièvre, en application d’un article de loi qu’il avait lui même présenté au Parlement en tant que ministre, se voit transférer la gestion du logement étudiant. A l’époque nous ne siégions pas dans cette assemblée, mais d’une part en tant que contribuables, et d’autre part en tant qu’habitants de l’agglomération, nous nous sentions concernés par ce transfert.
Alors nous avons fait ce recours, seuls. On nous expliquait que nous n’avions aucune chance, que l’adversaire était trop puissant. Nous avons pris des risques financiers également puisque le conseil de l’agglomération nous demandait 3000 € en sus des frais de justice.
Mais lorsqu’on croit à ses idées, on sait qu’il faut savoir résister. Lorsqu’on pense que nous avons raison, juridiquement et politiquement, on sait qu’il ne faut pas cèder, et que là où il y a une volonté, il y a un chemin. Et après trois ans de procédure, la justice de notre pays nous a donné raison.
Et je peux dire aussi que c’est ça qui fait que nous aimons notre pays, car c’est celui de l’état de droit et de la démocratie. Je dois dire également pour rendre justice au Président actuel de la Communauté d’Agglomération que nous apprécions sa sagesse qui a été de ne pas faire appel d’une décision incontestable.
Au delà de cette célébration d’une victoire improbable, nous sommes contents également parce qu’on offre ainsi une possibilité aux conseillers communautaires de reparler du fond de l’affaire, à savoir le transfert de la résidence universitaire d’Antony (et plus globalement du logement étudiant) à la communauté d’agglomération.
Ce choix du transfert, il n’est ni de droite ni de gauche, et nous nous devons d’expliquer pourquoi, en conscience, ce transfert n’est pas une bonne chose.
Pourquoi ce transfert n’est il pas convenable ?
La communauté d’agglomération des hauts de Bièvre n’est pas la collectivité adaptée pour un tel transfert. Le législateur, dans son texte sur les responsabilités locales différencie la situation du logement étudiant en province, et en région île de France. Il décide qu’un schéma directeur élaboré par la collectivité régionale sera mis en vigueur. C’est donc bien la région qui a la meilleure vision pour gérer le logement étudiant, car rappelons que tous les étudiants de l’agglomération n’étudient pas dans le territoire des Hauts de Bièvre.
En outre, cet échelon de collectivité a déjà en charge des compétences dans le domaine universitaire notamment en ce qui concerne les investissements, et il est plus cohérent que la Région gère logement étudiant et participent au financement des lieux d’études.
La communauté d’agglomération des Hauts de Bièvre n’est pas non plus adaptée pour une question de moyens. L’état de la Résidence Universitaire nécessite – on y reviendra – des moyens particulièrement importants pour sa rénovation. L’ancien directeur du CROUS, Jean Francis Dauriac, évoquait des chiffres particulièrement important, de l’ordre de la centaine de millions. L’agglomération a d’importants besoins d’investissements en assainissement, en équipements culturels, et elle ne peut pas consacrer une partie importante de ses ressources sur un seul emplacement de la zone. Les contribuables des Hauts de Bièvre dont vous vous réclamez à loisir n’ont pas vocation à financer un équipement au rayonnement régional voire national, et ce transfert de compétences rendu possible par la loi mais qui n’est pas obligatoire doit être pour cette raison refusé.
Evidemment, nous nous plaçons là dans l’hypothèse d’une rénovation et non d’un démantèlement ou d’une diminution du site de la résidence universitaire.
Pourquoi, ici et maintenant, il ne faut pas diminuer le site ?
Parce que les chiffres concernant le logement social dans notre région ile de France sont accablants, et ne sont d’ailleurs pas à la gloire des majorités régionales et nationales successives. Selon une enquête de l’IAURIF de 2005, la moyenne nationale est 9 places pour 100 étudiants, contre 3 en région parisienne. En outre, les résidences du CROUS accueillent 60% d’élèves boursiers, et 35% d’étudiants étrangers. Et ce n’est pas un avis isolé de cette structure para régionale puisque la Commission des Affaires Culturelles du Sénat évoque un besoin de 15 000 places en Ile de France. Il y a donc une carence évidente dans ce domaine et il y a un consensus qui existe entre toutes forces politiques pour faire un effort dans ce domaine. Il n’est pas bon de diminuer l’emprise de la résidence universitaire.
En outre, ce point de vue global des parlementaires, de la région est même affiné concernant notre site d’Antony, et là encore il y a un consensus qui dépasse les clivages traditionnels. La ville de Sceaux, dans un avis qu’elle a rendu sur le PLU d’Antony, à l’unanimité s’interroge sur « l’absence de projet de requalification de la résidence universitaire d’Antony alors que le programme local de l’habitat en cours d’élaboration par la communauté d’agglomération des Hauts-de-Bièvre rappelle l’enjeu primordial du logement pour étudiants et prévoit d’accompagner les projets de requalification des résidences universitaires présentes sur le territoire intercommunal. »
De la même manière, la commission des lois de l’Assemblée Nationale, lorsqu’elle a accepté l’amendement Karoutchi qui inclut la RUA dans le périmètre de l’article 822 du code de l’education, rappelle que : « La rédaction actuelle de l’article L. 822-1 du code de l’éducation ne permet pas de décentraliser ces logements, car il ne s’agit plus, au sens strict, de « biens appartenant à l’État ». Il est donc impossible aux collectivités territoriales de mener des travaux de réhabilitation de ces immeubles, et ce au détriment des étudiants qui y résident. ». La commission des lois de l’assemblée nationale n’évoque pas de démantèlement ni de destruction mais uniquement la volonté de rénovation.
La région partage évidemment ce point de vue, puisque le SDRIF, sur laquelle notre assemblée a donné un avis, dispose que les terrains de la RUA devraient continuer à être affectés au logement social étudiant, montrant là, pour la collectivité régionale l’importance de cette résidence.
De même, la commission d’enquête sur le plan local d’urbanisme constitué par des personnes nommés par les juridictions administratives affirme : « devant la pénurie en logements étudiants constatée dans toute la région parisienne et devant la hausse vertigineuse et continue du prix de l’immobilier il lui paraît souhaitable en effet hautement souhaitable que la vocation de cette résidence perdure et que tout soit mis en œuvre pour faciliter sa restructuration en logements étudiants. ». Cette commission a d’ailleurs dit qu’elle trouvait l’emplacement réservé souhaité par la ville difficilement compatible avec le maintien en logements étudiants de la résidence universitaire .
Le bon sens nous le commande. Il faut préserver la résidence universitaire. Et sa préservation passe par un compétence régionale, et non par une compétence communautaire.
Depuis 1983, la majorité municipale antonienne relayée par la communauté d’agglomération en 2004 souhaite réduire voire annihiler le site, « kyste » selon le président du conseil régional. Elle a réussi à deux reprises à porter des coups lourds contre la résidence, en 1986 en participant à la démolition du batiment B, puis en 1995 en participant à l’extinction des activités de garde de la petite enfance, organisée dans la résidence.
Depuis 1995, la résidence a été préservée, grace d’une part au moratoire institué par François Bayrou sur la démolition de batiments de logements étudiants, et grace aussi à la mobilisation étudiante.
En 2004, alors ministre, notre député a souhaité reprendre la gestion de la Résidence en faisant voter une mesure taillée sur mesure, le fameux article 66 de la loi sur les responsabilités locales, pour mener à bien son projet de restructuration complète de ce secteur d’Antony.
L’exercice du pouvoir législatif ne doit pas être utilisé pour des motifs d’intérêts particuliers, et l’intérêt général nous commande de ne pas accepter d’être les instruments d’un conflit entre la Résidence et une majorité municipale.
Un point qui doit faire consensus en revanche est la nécessaire ouverture de la résidence, car il n’est pas concevable que deux mondes coexistent sans se croiser, sans s’entremêler. Il peut y avoir une synergie formidable entre les étudiants et notre ville, c’est à notre agglomération et aux étudiants de l’organiser pour s’enrichir les uns les autres.
Une second point qui doit faire consensus est la nécessaire rénovation de la résidence car il n’est pas possible que le confort sommaire des chambres perdure, la RUA doit retrouver des éléments de modernité et de commodité optimale afin d’être cet outil de l’égalité des chances, de discrimination positive qu’elle a été dans le passé.
Sur ces deux points là bien sur, la communauté d’agglomération doit être un partenaire de la Résidence, puisqu’elle a des compétences en matière de développement économique et a mis en place des partenariats avec des grandes écoles situées sur notre territoire, puisqu’elle a des compétences en matière de logement social. Partenaire écouté, comme la ville d’Antony mais en revanche pas décideur.
Si ces arguments ne vous convainquent pas, je trouverai cela regrettable tant tant d’avis convergent.
Mais il est une dernière raison qui doit conduire, mes chers collègues, à ce que nous reportions la délibération de ce soir, cette raison, c’est une raison juridique.
L’amendement Karoutchi permet effectivement à l’agglomération de se voir transférer la résidence universitaire d’Antony. Une des raisons de l’annulation de la délibération du 15 décembre 2004 par la juridiction administrative est la suivante –je cite - : « considérant toutefois que ce texte qui prévoit expréssément l’édiction de dispositions règlementaires n’a pu entre en vigueur avant le 14 janvier 2006, date de publication au journal officiel du décret du 9 janvier 2006 pris pour son application ». Or ce décret, dont la délibération de notre assemblée fait état ce soir n’a pas été encore modifié, et il ne concerne lui que les biens appartenant à l’Etat ce qui n’est pas le cas de la Résidence Universitaire. La délibération présentée ce soir encourera donc pour vice de légalité interne une nouvelle annulation.
Pour des raisons de bon sens, pour des raisons juridiques, il est nécessaire de ne pas voter cette délibération ce soir.
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